Saturday, January 27, 2007

ON NOUS AVAIT DIT (2)

On nous avait dit : "Sus à la culture bourgeoise!" (3/3)

Connaître cette culture est nécessaire. Que ce soit pour l'apprécier, la vénérer, pour la combattre ou la dépasser, même ! Si Victor Hugo a choqué dès les deux premiers vers de Hernani, c'est parce qu'il connaissait les règles "classiques" qu'il désirait combattre. Et si les surréalistes, grands pourfendeurs de la culture bourgeoise, ont « insulté » Anatole France dans Un cadavre, c’est parce qu'il l'avaient lu et qu'ils connaissaient sa pensée (et qu'ils l'avaient interprétée selon leurs grilles de lecture).

Dépoussiérer la culture dominante nécessite de maîtriser ses codes. Partager la même culture contribue également au sentiment de reliance sociale. Et la connaissance culturelle, c’est aussi l’expression d’un pouvoir !

ON NOUS AVAIT DIT (2)

On nous avait dit: "Sus à la culture bourgeoise!" (2/3)

Parlons sérieusement cette fois. Bien sûr, la hiérarchie entre les cultures est contestable. Et le bon goût culturel, la culture dominante, n'est jamais que la culture de la classe dominante, comme l'a montré Bourdieu.


Mais l'erreur a été la suivante: en accueillant un peu trop la culture de masse, l’école n'a fait que maintenir l'écart entre les cultures. Maintenir le jeune dans la culture de son environnement. Maintenir le jeune à l'écart des codes culturels véhiculés par cette "classe qui domine". Elle a contribué à creuser un fossé alors qu'avant il n'y avait peut-être qu'une frontière.


Car l'essentiel n'est pas d'aimer cette culture "dominante". Mais de la connaître et d'en connaître les codes! Afin de ne pas être maintenu en dehors du cercle, afin de ne pas être "hors-jeu"!

ON NOUS AVAIT DIT (2)

Cette nouvelle série revient sur quelques innovations fécondes et sur les bénéfices inespérés qui en ont résulté…

On nous avait dit : « Sus à la culture bourgeoise ! »


L’école se rendait enfin compte qu’elle véhiculait la culture dominante et qu’elle négligeait la culture populaire. Qu’elle méprisait même la culture de ces gamins et de ces filles issus des campagnes, des banlieues ou des corons.

Aujourd’hui, on a remis les choses à leur place ! Dans certains manuels scolaires, les 2 be 3 ont enfin occupé la place qu’ils méritaient et plus personne n’a honte désormais de faire lire en classe Marc Lévy ou Amélie Nothomb.

Le slam de Grand corps malade (« Dites-moi d’où vient ce phénomène qui mène tout droit à l’impasse /Qu’est-ce qui se passe, je vois plus les traces, je reconnais plus mon espace ») vaut bien après tout rené Char ou (comment s’appelle-t-il encore, ce poète qui a un nom d’eau… ah, voilà) Guillaume Apollinaris !

Tout se vaut. Plus de hiérarchie stupide entre les œuvres et les pratiques bon dieu ! Au nom de quoi, d’ailleurs ! Après tout, il est normal de trouver la chanson « Tourner les serviettes » de Patrick Sébastien plus drôle que les textes d’Alphonse Allais ou de Pierre Daninos, qui écrivent comme on ne parle plus !

ON NOUS AVAIT DIT (1)

Cette nouvelle série revient sur quelques innovations fécondes et sur les bénéfices inespérés qui en ont résulté…

On nous avait dit : « Plus de drill ! »

Pendant de nombreuses années, des tas d’enseignants ont pratiqué cet apprentissage systématique dénué de sens et d’intérêt !

Ils ont formé des perroquets, des robots ! Une jeunesse dorée gâchée dans le psittacisme !

Le drill, c’était l’armée ! La légion étrangère ! L’obéissance servile ! Bref, une pratique d’un autre âge.

On n’apprenait rien avec le drill, on ne construisait pas le savoir ! On l’ingérait, puis on le vomissait avec plus ou moins d’élégance.
Aujourd’hui, grâce à cette révocation, les jeunes n’en savent peut-être pas plus qu’hier, mais ils sont plus épanouis !

PLUS DE SESSION A NOEL (4/4) ?

Par Benoît Demonty
Pourquoi conserver une session à Noël? D'abord, parce qu'évaluations et apprentissages sont liés. Ensuite, parce qu'une session est porteuse d'apprentissages pour le jeune (organisation, méthode de travail...)
Enfin – et ce serait le plus important pour moi – pour l’aspect symbolique des sessions. Le symbolique renvoie à quelque chose de l’ordre du cérémonial. Selon certains, notre société se vide de symbolique, alors qu’il établit des repères, instaure des rituels sociaux et renforce par là la cohésion sociale.

Evidemment, toute évaluation est a priori suspecte. Loin d’être une mesure, elle n’est qu’une indication.

On ne peut pas affirmer qu’avec cette session de fin d’année civile tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… Mais si elle doit être repensée, elle devra l’être par des enseignants de terrain, au sein d’équipes éducatives, qui si elles l’estiment nécessaires se renseigneront auprès d’ « experts en pédagogie ». Car en fin de compte, les vrais experts, ce sont ces enseignants…

PLUS DE SESSION A NOEL (3/4) ?

Après tout, pourquoi conserver cette session ? Sans trop y réfléchir, je vois au moins 3 bonnes raisons.

Premièrement, qu’on le veuille ou non, qu’on aime ça ou pas, l’apprentissage est souvent intimement lié à l’évaluation. Sans évaluations, les élèves apprendraient-ils spontanément ? Sans évaluations, se diraient-ils un soir instinctivement : « Je vais étudier mes TP en anglais parce que c’est bon pour mon avenir » ?
[1]

Deuxièmement, parce qu’une session d’examen est aussi porteuse d’apprentissages pour le jeune : organisation, méthode de travail, dépassement de soi, assimilation d’un certain volume de matières en peu de temps…


[1] Certains me répondront que je n’ai rien compris et, qu’à l’heure des compétences, il s’agit d’évaluer davantage de savoir-faire que de savoirs. Oui, on sait ça, merci ! Mais tout savoir-faire nécessite des savoirs, tant parce ce qu’il porte sur des savoirs que parce qu’il s’exprime en partie par des savoirs. Oh là là là, faut que je me calme, je parle à la Meirieu…

Wednesday, January 10, 2007

PLUS DE SESSION A NOEL (2/4) ?

Par Benoît Demonty

George Bush estimait que le meilleur moyen de lutter contre les incendies de forêt, c’était de couper les arbres…

Ce « bon sens » bushien nous fait bien rire, mais parfois nous avons tendance à adopter le même raisonnement simpliste…


Ce raisonnement consiste à supprimer les données d’un problème quand on est bien incapable de supprimer le problème lui-même. Ainsi, en supprimant la session de Noël, certains espèrent-ils lutter contre l’échec scolaire !

Bush pédagogue lâchant des inepties, ça vaut bien Meirieu disant tout et surtout son contraire, sauf ce qu’il n’a jamais dit*.

* Lire à ce sujet l’édifiant L'enfant, l'éducateur et la télécommande, de Philippe Meirieu et Jacques Liesenborghs, aux Editions Labor.

PLUS DE SESSION A NOEL (1/4) ?

Par Benoît Demonty

Dans le Soir du 8 janvier, Frédéric Soumois présentait l’avis d’« experts en pédagogie* » qui doutaient de l’intérêt de la session d’examen de Noël.
Certains prétendent même – mais cela ne figurait pas dans l’article – que la suppression de cette session serait à l’étude au Ministère.


Pour quelles raisons supprimer cette session ?
D’abord parce qu’elle prend du temps ! Et que le temps passé à évaluer, c’est du temps perdu pour l’apprentissage.
Ensuite parce que les évaluations sont trop hétérogènes selon les établissements et les enseignants. Elles n’auraient donc pas de vraie « valeur » dans l’absolu. Enfin parce que le système pédagogique belge est « maniaque » de l’évaluation, selon Vincent Carette, professeur assistant en sciences de l’éducation à l’ULB.
* Il n'y avait en fait que deux témoignages et qui allaient tous deux dans le même sens...

Saturday, January 06, 2007

LES RELATIONS ENTRE COLLEGUES DE TRAVAIL (2 - 2/2)

Illustrons la "triade des émotions"... Madame M* est enseignante. Son discours est simple et assez partagé : « Il faut dire aux gens ce que l'on pense d'eux ». Cette attente fonctionne, pour elle, dans les deux sens : elle dit ce qu'elle pense et elle attend en retour que les autres soient francs avec elle.


Quand on lui demande ce qu'elle observe au quotidien en fonction de cette attente, elle répond qu'elle est entourée de faux-culs, d'hypocrites dont elle est très souvent la victime. Les émotions liées à ces observations sont essentiellement négatives : colère, dégoût, tristesse profonde…


Ce qu'elle voudrait, c'est que les autres changent. Je lui réponds que c'est impossible, si eux ne désirent pas changer. Et puis rien ne me prouve que ses collègues sont effectivement comme elle les décrit ! Je lui propose donc de travailler sur son ressenti, seule chose dans la situation sur laquelle elle peut avoir prise.


En approfondissant les éléments qu'elle me donne, nous parvenons à remonter à sa croyance, liée à des expériences de vie difficiles. Cette croyance pourrait s'exprimer ainsi : « De toutes façons, dans la vie, on ne peut faire confiance à personne ».


On voit combien, dans cette situation, les observations viennent confirmer une croyance, qui elle-même invalide son discours ! Inconsciemment, elle se projette dans un scénario au sein duquel la déception, l'inimitié, le sentiment de solitude sont presque inéluctables.
Dans cette optique, assouplir la croyance en laissant la porte ouverte à d'autres observations constitue une piste intéressante de travail.


Le travail sur cette triade est complexe, car la plupart de ses éléments sont implicites, infraconscients. Ils s'avèrent néanmoins essentiels pour une meilleure compréhension de soi et une meilleure gestion de ses émotions au travail.


LES RELATIONS ENTRE COLLEGUES DE TRAVAIL (2 - 1/2)

Par Benoît Demonty


Dans le cadre des ateliers de formation pour intervenants sociaux que j'ai le plaisir d'animer, je propose des modules sur la « gestion des émotions au travail » (quelques infos sur
http://w3.umh.ac.be/~pourtois/creas/semestre_1_2007.pdf).


Ces ateliers sont toujours très enrichissants au niveau personnel et professionnel.


Le travail réalisé avec les participants me montre que, souvent, l'on a tendance à rejouer sur le lieu du travail des conflits ou des scènes héritées de notre famille ou de notre couple.


Beaucoup souffrent, par exemple de croyances un peu trop rigides, qui se sont constituées au fil de leur expérience de vie et bien souvent avant même toute expérience professionnelle.


En parallèle à ces croyances, le travailleur porte un discours, qui pourrait se traduire comme une attente ou une demande très importante concernant les relations professionnelles. Là aussi la frontière entre vie professionnelle et privée est poreuse.


Enfin, la personne réalise toute une série d'observations concernant la vie professionnelle. Mais la plupart du temps, ces observations sont inconsciemment orientées vers la confirmation des croyances. Alors que la personne croit observer la réalité, il ne fait que continuer à regarder la réalité qu'il s'est construite. Sans le vouloir, il falsifie ses observations.


Ces trois éléments forment ce que j'ai appelé la triade des émotions... (à suivre).

UNE USINE A IMPUISSANTS (3/3) ?

Par Benoît Demonty


Certains établissements, adeptes du célèbre « marche ou crève », n'ont aucun scrupule à faire échouer ou à réorienter des jeunes pour qui l'école est précisément nécessaire et n'acceptent de travailler qu'avec des adolescents qui, en fin de compte, peuvent presque se passer des enseignants !


Dans d'autres établissements, c'est l'extrême inverse : les enseignants n'osent pas être exigeants en classe alors qu'ils disposent d'un système d'aide d'une qualité inouïe !


Je prêche ici pour un renforcement des exigences de chaque enseignant dans chacun des cours. Je ne dis pas que nous faisons mal notre boulot. Je pense plutôt que nous n'osons pas toujours être exigeants, par peur d'on ne sait trop quoi.


J'entends parfois cette phrase assassine : on a les élèves qu'on mérite. C'est faux, bien sûr ! Par contre, ce qui est indiscutable, c'est que l'on a les élèves que l'on s'attend à avoir ! En d'autres termes, comment avoir de bons élèves en classe si nous sommes persuadés qu'ils ne sont pas suffisamment bons pour réussir ? Plus ou moins inconsciemment, toute notre pédagogie sera orientée en fonction de la faiblesse présumée de nos élèves, qui, gentiment, répondront à nos attentes ! N'est-il pas logique de penser que plus l'on demande, plus l'on obtient ?

UNE USINE A IMPUISSANTS (2/3) ?

Par Benoît Demonty

Et si la solution était devenue le problème... ?
Ce serait un comble ! Mais ça vaut la peine d'y réfléchir un instant.
Et si tout le système d'aide aux élèves en difficulté avait participé à la déresponsabilisation, voire à la fragilisation des élèves ? Et si l'on avait voulu trop bien faire ?


Qui n'a jamais eu l'impression de participer à la création d'un univers scolaire aseptisé ? Un univers où il faut à tout prix éviter que les élèves vivent stress, tension, pression, échec, ennui, douleur... ? Ne serait-ce pas oublier un peu vite que le stress, l'anxiété, l'échec, l'ennui font aussi partie de la vie et que se construire, c'est également affronter une forme de « violence » ?


Si nous oublions cela, ne risquons-nous pas de former des êtres dépendants, fragiles, inaptes à affronter l'existence, incapables de résoudre des problèmes et impuissants à surmonter les obstacles ?


Evidemment, je dessine ici à gros traits une caricature qui peut choquer certains, mais il me faut frapper les esprits le plus possible avec le moins de mots possibles. Malgré cette exagération, je suis persuadé que la question de « la solution devenue problème » doit animer notre réflexion, même si ce n'est assurément pas la seule cause de la situation actuelle.


Cependant, comprenons-nous bien : il ne s'agit pas de remettre en cause l'utilité de tout le système de soutien mis en place dans l'école. Je répète : ce système est excellent. Il s'agit plutôt d'en maximiser l'impact en atténuant les éventuels « effets inattendus indésirables ».

UNE USINE A IMPUISSANTS (1/3) ?

Par Benoît Demonty


Il y a quelques années, des professeurs faisaient le constat suivant : les élèves n'ont pas de méthode de travail, ils sont submergés par des problèmes personnels qui les empêchent d'investir l'école, ils demandent plus de communication avec les enseignants, etc.


Alors que certains pensaient encore qu'ils étaient des professeurs et pas des assistants sociaux, d'autres se sont rendus compte de la nécessité d'ouvrir l'école à d'autres disciplines que la pédagogie.


Certaines écoles ont opéré une « révolution pédagogique », innovant sans cesse : des cours de méthode de travail ont été dispensés aux élèves qui le nécessitaient, des enseignants et des éducateurs sont devenus presque des confidents pour les élèves, ce qui a permis de donner une voix dans l'école au désarroi quotidien de certains jeunes, etc.


Toutes ces initiatives (et toutes celles que j'aurais pu citer aussi) ont été – et sont encore – nécessaires, pertinentes et positives.


Seulement, on a peut-être trop vite oublié qu'un tel système n'était viable que si l'on responsabilisait au maximum les élèves...