Friday, September 29, 2006

DES ARMES DE DISCUSSION MASSIVE

par Jill de Binche et Juan d'Ath
Quelques notions de psychologie de la communication ont envahi le cadre scolaire depuis plusieurs années. Et elles n'ont pas apporté que des avantages aux relations entre les personnes…


Une de ces notions, c'est l'écoute active. En un mot, l'écoute active est un moyen pour un professionnel de « faire voir à diverses reprises qu'il a non seulement entendu le message de son interlocuteur mais l'a aussi bien compris »
[1].


Tout n'est pas inintéressant dans cette technique, bien sûr. Au contraire, l'écoute active est un préalable indispensable pour une communication de type relation d'aide.


Le problème est que ces techniques ont été complètement isolées de leur contexte et qu'elles prétendent s'apprendre en une formation d'un jour ou deux.


Réduites au minimum, ces techniques professionnelles ne sont plus que phrases creuses, répétées mécaniquement quel que soit le contexte ou l'interlocuteur. En bref, elles ont été vidées de leur substance et ne sont plus que des gadgets communicationnels qui ratent le plus souvent leur cible.



Les adeptes de l'écoute active « allégée » distribuent à tour de bras des « Je vous entends » ou des « Je peux comprendre ». Ces phrases sont censées montrer à l'interlocuteur qu'on écoute effectivement ce qu'il nous dit, que l'on peut accéder à son mode de réflexion et donc que l'on fait preuve d'empathie à son égard.

En réalité, la personne qui s'entend répondre « J'entends, j'entends » (il convient en effet de répéter deux fois l'assertion, pour s'assurer que l'autre a bien compris qu'on l'avait compris !) a plutôt le sentiment qu'on se fout de sa poire et que le « J'entends » est une variante plus socialisée du « Parle à mon cul ma tête est malade ».


La plupart du temps d'ailleurs, quand, dans une conversation, un interlocuteur s'entend répondre « J'entends », il marque une courte pause, un bref silence et l'on peut voir les traits de son visage esquisser des marques de surprise. C'est précisément à ce moment-là qu'il se demande si l'autre le prend pour un con ou pas. Mais ces marques de surprise sont interprétées, par les maîtres de l'écoute active, comme le signe que la communication s'établit correctement, l'autre n'ayant pu s'empêcher de s'étonner qu'enfin quelqu'un l'entendait vraiment !


Oui à l'écoute active (et certains enseignants l'utilisent pertinemment), mais pas n'importe comment et surtout pas comme une technique rigide indépendante du contexte de la communication, qui nous donne envie de répondre : « J'aimerais que l'on m'entende un peu moins et que l'on m'écoute un peu plus ! »


Mais une autre notion fait des ravages. C'est celle des « messages je » ! Un « message je » s'oppose à un « message tu ». Le « message tu » est un jugement (« Tu es pénible ! ») ou un reproche (« Tu ne rends jamais tes travaux à temps ! »). Très mauvais pour la communication ! Ils doivent être remplacés par des « messages je », centrés sur soi et son ressenti, plutôt qu'orientés vers les autres. « Quand tu m'interromps tout le temps, j'ai le sentiment que tu ne m'écoutes pas ». Ou encore : « Je suis mal si je ne vois pas ton travail dans la pile des corrections ». Plus de jugement, plus de reproche et la communication peut enfin s'établir !


Le problème, de nouveau, vient d'un usage inapproprié et incorrect des « messages je » (dont je doute personnellement de l'efficacité, je préfère centrer une discussion sur des faits, que l'on emploie la 1e ou la 2e personne du singulier, mais c'est un autre débat). Et j'ai déjà entendu des professeurs « communiquer » par des « messages je » en s'en envoyant des vertes à la figure. Dire : « Je trouve que tu es une chieuse », plutôt que : « Tu es une chieuse », ça a bien l'apparence d'un « message je » sans trop en avoir le contenu
[2].


Apprendre à formuler de tels messages, cela demande beaucoup d'entraînement, d'introspection et de pratique. Ce qu'une formation de quelques heures, dispensée par un formateur lui-même formé quelques heures seulement, ne pourra jamais apporter.

[1] Gordon T. (1981). Enseignants efficaces (p. 76). Le Jour, Editeur.
[2] Un « message je » doit répondre à trois critères importants : (1) inciter l’autre à modifier son comportement, (2) vehiculer une évaluation minimale de l’autre et (3) ne porter aucun préjudice à la relation (Gordon T., op.cit., p.185).

1 comment:

Aelius Philologus said...

Plutôt que l'écoute active, je préfère les techniques de "gestion de conflit", elles au moins permettent d'avancer et de baser la discussion sur des faits, pas sur des sentiments.
Vale