Friday, September 29, 2006

LES PSYCHODUPEURS

Quand ils entendent le mot « psy », beaucoup d'enseignants sortent leur revolver. Et ils ont raison. Je suis même souvent tenté de leur passer quelques balles. Attention, disons-le tout de suite : je suis aussi psychologue. Je me réjouis donc que la psychologie soit entrée dans le domaine scolaire. Elle peut être éclairante et très intéressante dans beaucoup de domaines : échec, phobie scolaire, décrochage…


Si cette psychologie-là présente un intérêt indiscutable, il n'en va pas de même pour une pseudo-psychologie de bas-étage, portée souvent par des non-psychologues. Portée souvent par des non-psychologues qui entretiennent une confusion nuisible à la crédibilité de toute la profession de psychologue.


Comment différencier un psychologue d'un psychodupeur ? Ce n'est pas très difficile.


D'abord, le psychodupeur assène des jugements à l'emporte pièce, alors que le psychologue a bien appris à ne jamais poser que des hypothèses. Les psychodupeurs adorent les étiquettes et les explications toutes faites : « C'est l'oedipe ! », « Il est psychorigide ! », « S'il ne participe pas à la sortie scolaire, c'est parce qu'il a peur d'aller vers les autres ! », etc.

Deuxièmement, le psychodupeur balance des conseils à tour de bras, même si on ne lui a rien demandé, surtout si on ne lui a rien demandé. Il conseille, mais en fin de compte il tente d'imposer sa façon de voir les choses, car le psychodupeur est certain d'avoir tout compris avant les autres et mieux que les autres.

Troisièmement, le psychodupeur condamne. J'ai entendu un jour un psychodupeur culpabiliser une mère qui passait un dvd à sa fille : la télé gardienne, l'objet qui remplace l'humain, l'absence de commmunication, l'indifférence des parents prêts à tout pour que leur gosse soit tranquille… tout y est passé !

Enfin, le psychodupeur généralise. Ainsi, l'un d'eux aime répéter : « Tout le monde sait que les adolescents feront une chose dès qu'elle est interdite. Ils aiment braver l'interdit ! » Faux ! Certains adolescents, oui. D'autres, pour des raisons un peu longues à expliquer, préfèrent respecter ces mêmes interdits.

La complexité du monde, voilà en bref ce que le psychodupeur ignore ! Il est aussi incapable de penser l'altérité, c'est-à-dire qu'il puisse exister une autre façon d'être que la leur. Ou plutôt, ils ne peuvent admettre qu'il existe d'autres bonnes façons d'être que la leur !

Qu'est-ce qui motive ces psychodupeurs ?
Que cherchent-ils à compenser en usurpant les prérogatives d'une profession à laquelle ils n'ont pu avoir accès ? Probablement trouvent-ils dans cette situation des bénéfices, comme une forme de pouvoir à exercer sur autrui. Le pouvoir de celui qui sait, de celui qui a compris les événements de l'intérieur.
Le pouvoir aussi de celui qui juge, qui prétend mieux connaître les personnes que les personnes elles-mêmes. Qui prétend connaître à leur sujet des choses qu'elles-mêmes ignorent.

Peut-être, enfin, la satisfaction démagogique d'être un professeur qui recueille les confessions des jeunes, confessions qu'ils obtiennent parfois grâce à une pression implicite sur l'adolescent.

Toujours est-il qu'un certain nombre de ces psychodupeurs semblent avoir des comptes à régler avec leur propre scolarité, comptes qu'ils règlent aujourd'hui avec leurs collègues. L'énergie orientée mal à propos vers les autres – et qu'ils dépensent en vain – n'auraient-ils pas plus intérêt à la consacrer à l'introspection ?

L’école ne doit pas faire le travail des psys (sauf, peut-être, si ce sont de vrais psys qu’ils le font), mais doivent travailler avec les psys. De son côté, le psy, recevant un enfant en consultation privée, ne fera pas le travail d’un enseignant.

Chacun a sa spécialisation, ses compétences professionnelles et ses domaines d’action. Développer des réseaux de professionnels devient la seule solution pour faire face à des situations multiples et complexes. Mais il faut pour cela que chacun accepte la place qu’il lui revient et ne s’estime pas en droit de revendiquer celle d’un autre, parce que l’herbe y paraît plus verte.

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