Monday, October 02, 2006

ENFIN UN COMMENTAIRE !

Un de mes collègues, que j'estime beaucoup, m'a envoyé ce mail. Je pense qu'il est intéressant que chacun le lise :

"Salut Ben,

Je suis pas arrivé à placer mon comment sur ton blog alors je te l'envoie en direct.
Attention tout de même à ne pas confondre pensée unique et cohérence pédagogique. Un débat ouvert a lieu avant la prise de décision. Par la suite, chacun, élève ou prof, trouve avantage à ce qu'on ne tiraille pas dans toutes les directions. Non ?"

Premièrement, je remercie vivement ce collègue d'avoir ouvert la discussion.

Je le rappelle : il faut que le système se réapproprie la dynamique dont il s'est laissé déposséder (lire le post Manifeste pour une trêve sacrée) !

Les enseignants – mais aussi les parents et les élèves – doivent relancer la réflexivité sur l'Ecole, dont ils ont été tenus éloignés, quelle que soit leur opinion.

Deuxièmement, j'aimerais répondre ceci :

S'il y a effectivement débat d'idées, au terme duquel on parvient à un "métapoint de vue" (un peu dans l'acception que donne à ce terme le philosophe Edgar Morin), il y a cohérence pédagogique dans l'application des décisions, bien sûr. Puisqu'il y a débat – donc confrontation de point de vue idéologiques divers – on ne peut parler de "pensée unique".

Par contre, il y a, à mon sens, pensée unique dans trois contextes bien précis :

- D'abord, quand le système-décideur est constitué d'amis, choisis pour leur optique commune, et qu'il considère que la confrontation avec les idées provenant d'autres systèmes n'est pas nécessaire, voire est une perte de temps et d'énergie.

Le débat d'idées présente, dans l'idéologie actuelle du "temps qui presse", un double désavantage : il exige une énergie psychique importante et il inscrit toute décision dans une autre temporalité.

- Ensuite, quand le débat d'idées est faussé dès le départ, les décisions ayant déjà été prises en amont.

Quand Meirieu explique l'échec des réformes pédagogiques en France par le fait "qu'elles n'ont pas suffisamment été expliquées aux enseignants", il s'inscrit dans cette optique. Le débat ne porte pas sur l'essence des réformes. Il consiste simplement à convaincre les destinataires des réformes.

- Enfin, quand le débat en question est organisé dans un espace
[1]-temps tel qu'il est impossible à une majorité de personnes de s'y rendre.

On en conclura alors, avec une pleine et entière mauvaise foi, que chacun a eu l'occasion de s'exprimer ! Les absents ayant toujours tort, ils seront par la suite condamnés au silence : il n'avaient qu'à être présents !

Pour conclure, gardons toujours à l'esprit que cette pensée unique n'est qu'une idéologie, mais une idéologie qui se présente comme une observation neutre et objective de la "réalité".

Elle tend à faire croire que les postulats de départ de leur argumentation sont des vérités. Elle entretient une confusion entre opinion et fait. Or les prémisses étant fausses, la conclusion ne peut pas être valide.

Je citerai comme exemple de ces postulats (n'oublions pas qu'un postulat est une "proposition que l'on demande d'admettre comme principe d'une démonstration, bien qu'elle ne soit ni évidente ni démontrée"
[2]) :

- la transférabilité des célèbres compétences transversales (qu'elles portent ce nom-là ou un autre) ;
- le modèle grammatical comme modèle idéal de l'enseignant d'une langue étrangère ;
- la "toute-puissance" de la gestion mentale, qui n'est qu'une modélisation intelligente d'un mode de fonctionnement particulier sinon singulier, sans aucune légitimité apportée par les sciences cognitives ;
- l'inutilité des "dictées" dans l'apprentissage de l'orthographe ;

- etc.

Chacun pourra continuer la liste...

[1] A la distance physique, géographique, ajoutons la distance symbolique chère à Bourdieu.
[2] http://www.lexilogos.com/francais_langue_dictionnaires.htm

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